Publié sur LSPB le 6 juin 2025

Oui, j’aime les services publics, ceux qui marchent, font société, sont lisibles et accessibles à tous, et nous permettent à chacun de vivre nos vies, en mutualisant certaines activités au meilleur coût, et assurant la protection de tous.

Si on ne peut rien déduire d’un cas isolé, je me permets cependant de livrer la série d’anecdotes suivante à votre réflexion.

Le petit-fils d’une amie bordelaise souffre d’une myopathie, et a la chance d’être suivi par un des meilleurs services au monde (Paris Trousseau), que finance le Téléthon. On comprend le schéma : la recherche publique prend en charge les maladies les plus fréquentes, mais comme elle n’a pas les moyens de suivre les maladies trop « rares », c’est donc la solidarité qui s’en charge. Très bien.

Pour accompagner notre jeune patient, ces meilleurs médecins lui prescrivent une molécule simple (de la cortisone) mais dans une préparation que l’on ne trouve pas en France. En revanche elle est disponible en Espagne, où elle est même produite en Navarre, pour 4€ la boîte ! On peut se demander pourquoi un médicament produit au sein de l’UE n’est pas distribué partout, mais passons.

Cela fait donc 10 ans que je passe la frontière régulièrement, pour acheter le médicament à Irún, et l’expédier vers la Gironde. J’en profite pour remercier Mikel et Juan-Luis qui m’avaient aidé pendant la pandémie, quand la frontière fut fermée.

Un moment la pharmacie de l’hôpital bordelais Pellegrin a pu proposer la préparation, puis la source s’est tarie et nous avons repris les achats transfrontaliers (que notre Sécurité sociale ne remboursera d’ailleurs pas).

Dernier approvisionnement il y a quinze jours, je poste le colis depuis Bidart (une employée pour 8 clients), mais le paquet arrive vide en Gironde, avec un petit mot de la douane d’Anglet, et la présomption de trafic de produits pharmaceutiques.

Je découvre ainsi qu’il y a un bureau des Douanes à Anglet, mais aussi que de façon aléatoire, nos pandores ouvrent certains colis France/France. Et donc pas seulement au sein des milliers de paquets chinois débarqués chaque jour à Roissy, avec fast-fashion, Viagra ou Fentanyl. Et qu’ils séquestrent les colis au plus près de l’expéditeur, quand c’est le destinataire qui doit venir le chercher. Heureusement, un aller-retour depuis Bordeaux et cinq formulaires plus tard, la famille a pu récupérer les médicaments.

L’histoire finit certes bien, mais que penser alors de nos services publics, et de nos 3300 milliards d’euros de dettes ? Certains diront qu’il y a trop de fonctionnaires, d’autres pas assez de moyens.

Pour ma part je suis certain que la Sécurité sociale a fait tout son boulot pour accompagner notre jeune, que les médecins parisiens et pharmaciens bordelais sont dévoués, que le laboratoire navarrais a ses raisons pour ne pas commercialiser ses produits en France, que la dame de La Poste fait tout son possible, que les douaniers angloys ont parfaitement appliqué les procédures, et que notre affaire est la faute à pas de chance. Ou à trop de mauvaises mesures.

Car le résultat est qu’un pays aussi riche (ou dépensier) que le nôtre n’est pas fichu de fournir un médicament, vital pour un gamin, à 4€ la boîte, et que le plan débrouille monté par la famille a été entravé par une autre administration.

Voilà le défi pour les actuels ou futurs gouvernants, s’il leur venait l’idée de juguler la dépense publique et de réparer nos services.

Remettre de l’intelligence dans l’action publique, ne pas viser seulement la conformité des procédures ou la pérennité des carrières, mais replacer en son cœur le service AU public. Chiche ?