Publié sur LSPB le 7 février 2025
Expérience éblouissante à Paris pour la « Haute Couture Week SS25 » au défilé de Stéphane Rolland, fin janvier à la salle Pleyel. Pas de grand mystère à mon invitation : la société du discret créateur, formé chez Balenciaga, est dirigée par Pierre Martinez, luzien ami de longue date, et il travaillent souvent dans une villa des falaises de Bidart … Nous faisions aussi appel au même tondeur de brebis et j’avais eu la peine de leur annoncer sa tragique disparition, preuve que les gens d’exception sont d’une immense simplicité et d’un grand coeur. Au lieu d’une sortie hivernale au Salon de l’agriculture, je partis donc satisfaire ma curiosité de Fashion week.
Stéphane est resté fidèle à la haute couture, il ne fait que des robes sur-mesure, pour des gens très fortunés amoureux du beau. Cet artisanat du prototype, cet art de la pièce unique, lui permet de faire vivre 40 couturières, à l’heure des robes-livrées-chez-vous-pour-5-misérables-euros-et-autant-de-misère-importée.
14h, le spectacle est déjà dans le hall d’entrée : si la masse des spectateurs est sobrement vêtue de noir (fausse note de ma cravate bleue, on me prend pour un député LFI et je l’ôte discrètement), une kyrielle de créatures hors norme escalade quelques marches pour la séance photo, le cirque du « photo call ». Robes moulantes sur corps sans défaut, semi-mondaines plus maquillées qu’une voiture volée, dos infinis rompus d’un discret tatouage, bédouin voilé au torse nu et velu, probables héritiers des costumes des frères Bogdanoff, plus de chirurgie (esthétique) que dans un hôpital ukrainien, ongles manucurés éreintant les plus récents des iPhones, voici le bal des influenceurs, une caste mondiale qui fait la tendance, 500 millions de vues escomptées.

J’ai eu la chance de fréquenter assez de cercles (entrepreneurs, artistes, politiciens, sportifs, toreros …) pour savoir en dépasser les apparences et en saisir les avantages. Et déjà, on peut deviner que l’après-midi sera placée sous le double signe du luxe et du partage, à vous déprimer un éditorialiste de CNews (ou de France Inter).
Les télés du Golfe persique sont là, on jacasse en anglais, arabe ou français. Bellâtres baraqués, boutiquières rondouillardes, asiatiques émoustillées, stagiaires polyglottes ou athlètes d’ébène, tout le monde se presse à l’arrivée de Sylvie Vartan et Brigitte Macron. Cette dernière vient en voisine (l’Elysée est un peu plus loin sur la même rue du Faubourg Saint-Honoré) mais surtout au titre de la fondation des Hôpitaux de Paris, les pièces jaunes (devenues cuivrées), 750 des 1600 places vendues à leur profit. Mais vite, il faut gagner son siège.

La salle de concerts classiques « Pleyel », édifiée par la marque de pianos du même nom, a jeté un long podium au dessus des sièges du parterre, pour faire défiler au moins 20 mannequins et créations. Une sociétaire de la comédie française donne le ton d’une diction parfaite : le défilé rend hommage à Josephine Baker, noire américaine devenue artiste française, et maman multi-adoptante. L’inclusion passe aussi par le social, des jeunes filles de la Maison des Adolescents de Blois ont passé des journées avec le créateur, sensibilisation à la création, au luxe, à la beauté.
Le défilé démarre, je n’ai pas les mots pour le décrire, c’est pro, beau, rythmé, envoûtant, il y a tant de détails qu’on voudrait tous les décrire, les photographier, les emporter pour soi dans une petite boîte à n’ouvrir que les soirs d’hiver, les 15 ou 20 minutes passent comme une faena liée, on ne sait plus où donner du regard, on applaudit la Madrilène Nieves Alvarez puis la robe de mariée arrive, de grandes plumes comme des promesses d’amour, Stéphane entre entouré de toutes ses créations, le public se lève, on applaudit à tout rompre puis tout s’éclaire, il n’y a pas de rappel, nous ne sommes pas à la salle Parthayre.

Il est temps de sortir, assez lentement pour se faire remarquer, et profiter encore du spectacle. Piétiner dans le hall est comme savourer encore le goût du moment, commenter ce que l’on a préféré, chercher les rétro-saveurs des plats d’exception, dernière photo entouré de Danièle Gilbert et Magloire (à chacun son VIP), et l’on retourne dans le froid de la capitale. Sortir de la bulle de chaleur et beauté, déambuler encore dans le long corridor de luxe qui mène jusqu’à la place Vendôme, non Paris n’est pas la France, et son 8e arrondissement n’est pas l’Île de France, mais ça a quand-même beaucoup de gueule.
En France, on a des problèmes d’argent et de cohésion sociale.
Le temps d’un défilé, preuve est faite qu’à mille lieues des larmoiements politiciens, des marchands de clivages et des pourfendeurs de tout, un entrepreneur et un créateur, avec leur talent et leur énergie, ont su créer de la cohésion, de l’inclusion, de l’emploi, de la beauté, de la richesse, de l’échange et de la générosité.
A la mode de chez nous.
Photos d’ambiance personnelles. les images du défilé sont à retrouver sur stephanerolland.com.
