Publié sur LSPB le 8 novembre 2024

Le temps que cet éditorial soit publié, il est possible que nos cousins américains, aient choisi le retour à la Maison blanche d’un Donald Trump vengeur, ou bien encore que celui-ci soit en train de vociférer contre un résultat des urnes qui ne lui aurait pas été favorable. Nous verrons bien.

En revanche, il est devenu certain que la démagogie, le mensonge, la vulgarité, une personnalité narcissique, un discours autoritaire, un quasi coup d’état, ou un lourd passé judiciaire, ne sont plus des obstacles à une élection dans la première démocratie mondiale. Pourtant, l’histoire aurait dû nous vacciner d’une telle aberration.

Il y a bientôt un siècle, notre voisine allemande, puissance européenne majeure, berceau de philosophes, musiciens, ou ingénieurs brillants, a porté démocratiquement au pouvoir une bande sectaire, raciste et brutale, qui a déclenché une guerre mondiale, organisé l’assassinat de millions de gens, et comptait encore un vaste soutien populaire à quelques heures de sa chute en mai 1945. Et même des nostalgiques 80 ans plus tard.

En parallèle le bloc communiste, sous prétexte de briser leurs chaînes, a lui aussi asservi ou éliminé des millions d’humains, sans rejet populaire majeur, et même le soutien de certains de nos intellectuels. A Cuba ou en Corée du Nord, les régimes font chaque jour la preuve de leur incompétence et de leur brutalité, mais jouissent d’une étonnante longévité. Poutine ou Xi, suscitent l’admiration de certains responsables occidentaux. Et une pensée ici pour les femmes iraniennes ou afghanes, si mal défendues par nos belles âmes occidentales.

Sur 200 pays sur terre, seul un petit tiers peut être classé parmi les « démocraties libérales », les autres étant gérés par des régimes autoritaires de droite ou de gauche, nationalistes ou utopistes, électifs ou héréditaires, militaires ou religieux …

Mais comment diable l’être humain, si épris de liberté, peut-il si facilement accepter toutes ces exceptions que les dictateurs lui font subir ? Il n’est pas inutile à ce titre de lire ou relire le « Discours de la servitude volontaire », écrit il y a 450 ans par le périgourdin Étienne de La Boétie.

Face aux dangers que courent nos libertés, le devoir de tout démocrate, y compris de votre humble éditorialiste, est d’en vanter les avantages et d’en prévenir des menaces. Sans cesse.

Ainsi démagogues et dictateurs utilisent partout la même technique des « 4A », qu’il est bon de savoir reconnaître.

En premier lieu, ils identifient un problème (ça tombe bien, notre monde en regorge), et à force d’instance, ils le transforment en peur. Les bons tribuns excellent dans cet art, avec aujourd’hui l’aide inespérée des réseaux sociaux. Apeurer.

Ensuite, ils martèlent une solution, non pas choisie pour son efficacité technique, mais pour sa capacité à être comprise par un enfant de huit ans. Abêtir.

La plupart des cas, celle-ci passe par la désignation d’un coupable, idéalement choisi parmi la longue liste des « autres », puisque pour notre part nous sommes les meilleurs, tout le monde le sait. Accuser.

Viennent ensuite les mesures autoritaires, qui souvent ne se limitent pas à contraindre (ou éliminer) les « autres », et ruissellent sur la population sensée être protégée. Mais celle-ci étant devenue si docile, cela passe crème. Asservir.

Apeurer, accuser, abêtir et asservir, comme techniquement, la méthode utilisée n’a pas résolu le problème et que ceux-ci s’empilent, l’autoritaire est obligé d’inventer une nouvelle peur, un nouveau coupable, une nouvelle restriction, et la machine autoritaire s’emballe.

La Russie a raté le virage de l’économie mondiale, se contente de vendre des matières premières, et offre 10 ans d’espérance de vie en moins que l’Occident, pas grave on va dire que c’est la faute à l’Ukraine et on va l’envahir. La prédation au lieu du progrès.

Dans sa quête égotiste de retour au pouvoir, Trump est prêt à accuser de malheureux Haïtiens d’avoir mangé des animaux de compagnie, pas grave puisqu’ils ne votent pas.

Au lieu de la croissance heureuse et infinie voulue par les zélateurs de la mondialisation, c’est la croissance de la rigueur et des contraintes que nous promettent les pouvoirs autoritaires.

Apeurer, abêtir, accuser et asservir, la technique des « quatre A » prospère partout sur terre, du débat présidentiel étasunien jusqu’à nos plus petits villages, au sein de nos belles démocraties.

Comment s’en prémunir ?

Déjà en observant toute politique publique, et en se demandant si la voie des « quatre A », n’est pas le chemin emprunté par nos élus. Appliquer ce filtre de lecture aux discours et mesures sur le logement, le tourisme, l’écologie ou l’économie, donne de surprenants résultats. Comme chez un Mélenchon, un Bardella, ou même certains élus locaux d’apparence si policée …

Et puis l’autre médicament contre le pouvoir autoritaire, c’est l’accès à une information vérifiée, voire même à la donnée brute non-remâchée par un communiquant, puis c’est le débat, l’échange, l’intelligence humaine.

Puisse celle-ci nous garder du mensonge autoritaire !