Publié dans Médiabask, 06/2019
Avez-vous remarqué comment le mot « se battre » s’est imposé dans le jargon des politiciens professionnels ?
Pas une initiative, pas un investissement sans que l’élu, héros autoproclamé, ne se soit « battu ».
Cette appropriation langagière appelle cependant à un peu de modération, ou de pudeur.
Car « se battre » dans un administration publique, ce n’est jamais que dépenser de l’impôt.
Rien à voir avec un malade qui combat un cancer, une mère de famille isolée qui bataille pour ses gamins, un chef d’entreprise qui jongle entre banques et clients, un chômeur longue durée qui s’épuise … eux se battent vraiment, mais dans la discrétion.
Certes, avec l’empilement des financements croisés, monter un dossier public nécessite technicité administrative et conviction, mais on y reste à l’abri des bouleversements technologiques ou de la concurrence internationale. A moins que le mille-feuilles français, par son génie auto-complexifiant, ne se prenne les pieds dans son propre tapis !
On pourrait lister à l’infini les mots à la mode : renaturation, réappropriation, proximité, territoire, participation …
Cet abus verbal dénote cependant une dérive de l’action publique.
Normalement protégée des affres du quotidien, par le temps long que lui confère la certitude de la collecte de l’impôt, elle ne devrait envisager qu’innovation, anticipation, et gestion à long terme.
Malheureusement, en employant un tel langage, la voici dans le temps court de la réaction et de la communication. Et là où l’on pourrait attendre des résultats, sonnants et trébuchants, concrets et opérationnels, nous sommes noyés par un sabir de communicants auto-satisfaits.
La faute aux élections ? On le voit bien en Pays basque, l’approche des élections municipales entraîne la multiplication des opérations pré-électorales et des effets de manche,
Un brillant chef d’entreprise local me rapportait « c’est nous qui faisons tout, et ils n’en savent rien ». Il serait en effet amusant de comparer le rapport coût/ efficacité/ exposition des initiatives privées (commerciales, associatives, individuelles …) et de celles de la sphère publique.
Quand on inaugure une usine, la logique voudrait de féliciter l’investisseur, parfois parti de rien et qui crée de l’emploi et de la valeur : mais c’est souvent le subventionneur qui se place au premier plan de la photo.
Dans les années à venir, notre Pays basque devra affronter les enjeux majeurs : alors qu’il n’avait jamais connu de vraie révolution industrielle, et vivotait en laissant émigrer ses cadets, il semble aujourd’hui débordé par un changement brutal de paradigme, marqué en particulier par des afflux de population.
Logement, transports, environnement, emploi, espérons que les futurs programmes municipaux, ainsi que leur transposition à l’échelle de l’agglomération, dépassant le niveau de l‘accompagnement ou de la réaction tardive, proposeront de vraies anticipations, visions ou prospectives, plutôt que de nouvelles et vaines batailles administratives.