Publié sur LSPB le 20 septembre 2024
Monsieur le Premier ministre, j’ignore si dans ta longue carrière on t’a affublé de ce sobriquet, mais cela peut arriver aux meilleurs. Je souhaite ici te témoigner de ma grande confiance, même si, le temps que ces lignes soient publiées (elles sont finalisées ce mardi 17), et à l’occasion de la révélation de ton gouvernement, tu auras peut-être douché les plus fols espoirs. Mais tant pis, rêvons un peu, ne serait-ce que quelques jours.
Tu as dit, lors de ton passage de relais avec le jeune Gabriel, que tu savais écouter tout le monde, et que tu préférais agir que parler.
Écouter et agir, plutôt que jacasser et procrastiner, il ne peut y avoir de meilleure méthode managériale, ni de déclaration de politique générale plus urgente et opportune. Un sentiment partagé jusque dans les rangs les plus éloignés de la mouvance LR à laquelle tu es resté fidèle.
L’autre jour en effet, je bavardais avec 3 jeunes et moins jeunes, ancrés en Pays basque, aussi militants de notre région que lucides sur les enjeux du moment. Sans autre forme de calcul, la conclusion vint vite que « dans ce pays, on préfère les beaux parleurs aux gens compétents ».
Quelle incroyable sagesse dans cette analyse spontanée, quelle justesse de la vox populi ! L’état de la France résumé en quelques mots, trop de paroles, trop de déclarations et de communication, pour trop peu de résultats et des finances à la dérive …
Une autre anecdote me vient à l’esprit, mettant en scène un ancien LR, savoir notre ministre démissionnaire de l’économie (et tutti Bercy), écouté par curiosité lors d’une réunion politique de campagne européenne, cet hiver à Bayonne. Le Bruno Lemaire, attifé comme un marchand de vérandas, y multipliait les selfies de rock-star, avant de monter sur scène pour y faire un discours vivant et brillant. Pour peu, on lui aurait donné le Bon Dieu sans confession, mais aussi le livret de Caisse d’épargne, la carte bleue illimitée, et les clés de la Banque de France. Oubliant qu’il était déjà ministre depuis 7 ans.
Aujourd’hui le gars nous laisse (de mémoire) le renflement brun de 1000 milliards d’euros de dette supplémentaire, et il continue à faire la roue, tel un paon cherchant par ses plumes à masquer la profondeur du désastre. Quel beau parleur et mauvais gestionnaire, c’est vrai qu’il a fait Normale sup’ Lettres, et pas Comptabilité.
En élargissant un peu le spectre, et appliquant le même regard à l’ensemble de notre personnel politique, on peut se dire que de tout bord, notre pays n’est géré que par des professionnels du verbe, de l’estrade et de la planche à billets. De Mélenchon à Bardella, de Attal à Hollande, toute une brochette de salariés de la politique. Trop peu qui aient jamais travaillé avec leurs propres petits sous, qui aient forgé leurs idées par l’expérience, plutôt que par l’air du temps. Jusqu’à la caricature d’un locataire de l’Elysée, fort en thème devenu ivre d’hommages et célébrations.
Voilà ta feuille de route cher Michel, savoir t’entourer de gens compétents, de tous horizons, et pas obligatoirement populaires, puisque de toute façon ton gouvernement sera minoritaire. Et puis il y a l’urgence absolue, celle d’obtenir des résultats, car si nos concitoyens sont tentés par deux extrêmes, c’est suite aux échecs répétés du camp autoproclamé de la sagesse.
Oui Michel, use de raison jusqu’à la déraison, sois fier de gérer, décider, tailler, libérer, économiser, investir, huiler, comme on soigne un arbre ou une mécanique, ton objectif n’est pas de plaire, mais de réussir. Remettre le pays sur les rails et rendre le sourire aux Français.
Et n’hésite pas à faire du « en même temps » ou du « libéral », qui ne sont pas des gros mots mais des concepts formidables, malheureusement mal utilisés récemment. Renomme-les « coalition » et « simplification » et ça devrait passer …
Sois fier d’être de droite et ose aussi être de gauche, car il est notoire qu’on trouve de bonnes idées partout, mis à part chez ceux qui n’y ont pas intérêt. Dis clairement qu’on ne peut être fort contre l’immigration si on ne l’est pas dans le développement dans les pays source, qu’on ne peut parler d’insécurité sans gérer le problème des drogues, ni soutenir nos services publics sans réformer notre administration. Aime les patrons et les ouvriers, les traditionalistes et les LGBT, et sois dur avec ceux qui prennent nos libertés pour des faiblesses.
Certes, ce ne sera pas facile pour toi à l’Assemblée nationale, mais on n’est pas obligé de passer son temps à refaire des lois, il faudrait juste faire appliquer par les services celles qui existent déjà.
Ne nous déçois pas, les périls rouge/brun sont à nos portes et les créanciers nombreux. Au boulot mais sans bruit, avec courage et lucidité, vas-y Michel !