Salon de l’agriculture de Paris – Publié dans LSPB, 03/2023

Au Salon 2023, rien ne change et tout change.

Les Parisiens, en vacances scolaires, se pressent nombreux pour aller admirer veaux vaches cochons. Et probablement cuvées.

Dans le pavillon des Régions, noyé dans un nuage de friture, la nôtre est bien représentée par producteurs et camelots qui débitent cochonnailles et piment d’Espelette. Malgré une tentative désespérée de diversion par les membres de la Confrérie du Brie de Meaux, toques en meules de fromage sur la tête, la fête est en Pays basque, et 5 musiciens rodés enchaînent airs connus et attirent la foule smartphones à la main.

Et le défilé des « autorités » arrive, ravis de venir s’encanailler à la capitale, parfois en plus grand nombre que leurs administrés agriculteurs. C’est quand même les Casetas mon petit Monsieur.

Bref ici rien ne change, quand dans le hall voisin tout change, et avant tout le climat.

Des slogans similaires sont partout : ici c’est lutter contre le réchauffement climatique, ici planter pour capturer, là changer de pratiques, on oublie presque le bio ou l’alimentation, objectif unique, tout pour le climat !

Deux raisons simples : les agriculteurs sont les premières victimes du dérèglement météo, et l’agriculture est le seul secteur à pouvoir capter du carbone.

L’ADEME (agence de l’énergie) promeut le chauffage au bois et explique le stockage du CO2 dans le sol, l’ONF valorise le rôle de l’arbre, des pépiniéristes proposent des essences rentables et qui dépolluent, tandis que des marchands « d’agri-voltaïque » semblent enchaîner les contrats.

Au cours d’une conférence, le scientifique de l’INRAe est très clair : la France et son agriculture ont fait de gros progrès dans de moindres émissions carbone, et disposent encore de fortes marges de progression, sur le CO2 et les autres gaz à redoutable effet de serre, méthane et dioxyde d’azote.

L’agriculture peut diminuer son empreinte carbone en changeant ses mécanismes : passer à des machines robotiques, 10 fois moins lourdes qu’un tracteur, permettrait d’éviter de re-labourer ce qu’un lourd engin a tassé. Et de travailler plus lentement, plante à plante, en énergie électrique ou hydrogène.

Pour dompter les émissions de méthane, les éleveurs aménagent leurs étables et sélectionnent les bêtes. Toujours mieux que d’importer du bœuf aux antibiotiques.

Chez les céréaliers, les engrais azotés minéraux, essentiels pour les rendements nécessaires à l’alimentation de la planète, dégagent malheureusement du dioxyde d’azote : il faut donc passer à l’azote organique, produit par ces légumineuses (lentilles, pois) qui sont apparus dans nos champs une fois les tournesols récoltés.

Ainsi l’agriculture balaye devant sa porte, mais aussi peut s’occuper de la nôtre, en devenant « puits de carbone ». En effet les espoirs de capture « industrielle » du CO2 sont pour le moment balbutiants, la capture par les océans est à son optimum, seule l’action sur les sols est à la portée des humain : une étude démontre que changer de pratiques peut améliorer cette performance de 4 ‰ par an !

Cultures intercalaires (pour éviter la terre nue, qui relâche du CO2), lien avec l’arbre (agro foresterie), tout est en route…

Côté politique, le ministre signe une convention pour promouvoir les pratiques auprès de 10 000 agriculteurs par an… il faudrait donc 40 ans pour convaincre tout le monde.

Mais heureusement, nos paysans sont déjà au boulot !