Publié dans LSPB, 03/2023
Samedi, je serai à Bayonne et je défilerai au nom du logement pour tous.
En pleine conscience des réalités : l’évidente nécessité pour chacun, les criantes difficultés de certains, et les abus scandaleux d’autres.
Mais aussi, en sincère crainte des risques de manipulation, d’instrumentalisation, ou d’exclusion, que toute crise peut engendrer.
Et donc un grand OUI, et plusieurs MAIS …
Attention aux statistiques lancées à l’emporte-pièce : certes 70 ou 80 % de la population aurait droit à un logement social, mais comme il y a 60% de propriétaires, tout le monde n’en a pas obligatoirement ni le désir ni le besoin.
N’oublions pas que si on compte 5,3 millions de logements sociaux en France, il y a 7,5 millions de logements locatifs privés appartenant à de petits épargnants, qui ne sont pas tous des marchands de sommeil.
Gare à l’incessante rengaine sur le « pourcentage » de logements sociaux, car un chiffre se manipule facilement : avec 4 studios étudiants de 15 m2 et une demeure secondaire de 140 m2, vous avez construit 200 m2, dont 4 logements sociaux minuscules qui gonflent votre statistique, et 1 résidence balnéaire immense non comptabilisée ! Or les gens ont besoin de logements, pas de statistiques …
La loi SRU et son objectif de pourcentage de logements sociaux visent à promouvoir la mixité dans une commune, et pas nécessairement à adapter une offre aux besoins d’une population. Si des maires courent après des pourcentages pour éviter des amendes, une politique publique efficace viserait à anticiper les besoins des habitants.
Épargnons-nous un inquiétant clivage : une moitié de la population aisée, qui payerait de lourds impôts et ne voterait pas, et l’autre moitié laborieuse qui serait « tenue » par l’attribution de logements sociaux. Un cauchemar totalitaire.
Prenons conscience de l’étrange paradoxe : avec des coûts de construction qui augmentent, on ne peut plus désormais produire de logements sociaux à 2500 €/m2, sans inclure dans la même opération des lots « libres » à 6 ou 8000 €/m2.
Gare au cynisme de certains cumulards, aux affaires depuis toujours, qui n’ont pas vu venir l’augmentation de la population, n’ont pas fait construire ce qui était attendu, et s’accrochent désormais aux thèses de la gauche militante, tout en continuant à attirer des touristes.
Pas de démagogie sur la fiscalité : certes les revenus d’un meublé de tourisme classé bénéficient d’un abattement forfaitaire de 71%, ce qui compense entre autres les frais d’ameublement et de conciergerie, mais ensuite les travaux ne sont pas déductibles, alors qu’ils le sont dans une location classique. Il y a bien une niche fiscale, mais pas infinie.
N’oublions pas que presque en continu, de coûteuses mesures d’incitation fiscale ont encouragé la production de logements locatifs à l’année (De Robien, Périssol, Scellier, Pinel …) avec des résultats contrastés. La situation particulière des zones touristiques tendues pourrait inspirer une prochaine mouture …
Ne confondons pas un petit propriétaire qui loue un logement de vacances quelques semaines pour payer ses charges, avec ceux qui ont industrialisé le concept. Le règlement de « compensation » de l’Agglo ne les distingue pas, alors que les « gros » vont probablement se jeter sur la ficelle des baux hivernaux bricolés. Ou sur une économie occulte.
N’oublions pas les emplois locaux, créés autour des locations de tourisme, pas plus criticables que les ouvriers du bâtiment qui veulent être mieux payés. Mais le système doit se réformer : légende du capitalisme, le prix de vente de la Ford T avait été fixé pour que ses ouvriers puissent l’acheter. L’activité économique doit donc se débrouiller à loger ses propres acteurs !
A force de les taxer ou ostraciser, les doubles résidents (3 jours Paris, 4 jours ici) se domicilient officiellement chez nous pour être tranquilles, ce qui est un droit absolu. Donc pas de police du nombre de jours passés sur place, ou bien d’avec qui l’on dort, nous vivons encore en démocratie !
Dans notre histoire, il y a déjà eu un statut de résident : il y avait aussi deux bénitiers dans les églises, une porte dérobée pour les cagots, et une chaîne à l’entrée des villes.
Regardons la ruralité en face : si nous perdons des terres agricoles, c’est surtout parce que des paysans épuisés jettent l’éponge, ou ne trouvent pas de suite.
Bref, le sujet est si complexe que l’on pourrait dérouler à l’infini …
Ne nous faisons donc pas embarquer dans la recherche d’une loi ou mesure miraculeuse qui résoudrait tout. Car changer une règle est long et incertain, alors que l’urgence est là !
Alors, utilisons les outils disponibles, hors une hypothétique loi ou réglementation.
Prix du foncier régulé par les PLU, incitation pour le logement à l’année par la modulation des taxes locales, préemption applicable au cas par cas, fluidité de la construction par des procédures raccourcies … les collectivités ont déjà d’innombrables cartes en main.
Face au marché et à l’urgence, et hors toute nouvelle loi, un peu d’agilité ! A samedi.