Publié dans LSPB n°1521, 03/2023

Il y a quand-même de bonnes nouvelles derrière la crise du logement en Pays basque : en effet, tandis que plus on construit, moins on se loge, la société civile souffle ses idées, ce qui élargit le débat, pour dépasser le trop réducteur pourcentage de logements sociaux (un item nécessaire mais non-suffisant, tant la situation est complexe). Et puisque personne ne me demande mon avis, le voici.
Une première idée consiste à dissuader le logement saisonnier, soit en le taxant (initiatives de parlementaires, que nous sommes en train d’évaluer), soit en le rendant presque impossible (mesure de compensation de l’Agglo). Mais ce n’est pas parce que quelque chose est interdit qu’il ne se produit plus, Luc Ferry nous donne l’exemple du meurtre, encore commis alors qu’il est proscrit depuis toujours …
L’autre idée, bien évidemment, est de construire, car la population augmente, et nécessite plus de logements par habitant (éclatement familial …). Et en plus, le bâtiment est un sacré secteur économique par ici. Alors construire, mais quoi ?
Car bâtir des maisons individuelles de plain-pied avec 1000 m2 de terrain devient techniquement impossible près de la Côte (sauf exception), et il faut désormais glisser vers le pourtour de Peyrehorade ou Garazi, ce qui pose des problèmes de coût de transport, services publics, etc.
L’autre solution est de construire en hauteur, ce qui se fait le long de certains axes structurants du BAB, mais pour une insertion architecturale discutable, et un ressenti contrasté par la population. Certes, il vaut mieux vivre dans une boîte à chaussures exposée plein nord que nulle-part, mais cela reste une boîte à chaussures exposée plein nord. Habiter en Pays basque pour ne pas bien s’y loger, le jeu en vaut-il la chandelle ?
Mais alors, comment gérer l’appétit pour la maison individuelle, en suivant l’évolution de la structure des foyers, autoriser le parcours résidentiel tout en densifiant l’habitat, sans miter notre paysage ? Une utopie ? Pas du tout.
Car il suffit de regarder autour de nous, une forme urbaine miraculeuse existe ici depuis 800 ans : c’est la bastide !
Entre 300 et 500 bastides ont été loties au Moyen-Âge dans le grand sud-ouest français, d’initiative seigneuriale ou ecclésiastique, peuplement de zones défrichées ou lieu d’accueil d’hommes et femmes libérés du joug féodal …
Ces bastides figurent parmi les plus beaux villages de France, comme chez nous Ainhoa, Sare-Ihalar (Petit Paris) ou La Bastide-Clairence. Elle proposent un habitant dense, fait de maisons individuelles avec jardins, accolées autour d’une rue-marché.
Voilà donc une idée pour densifier l’habitat sur des opérations d’ensemble : créer de nouvelles bastides !
Pour quelle hauteur ? A nouveau en se référant à l’histoire et en prenant en compte les impératifs de densité, l’idéal semble le R+1+C, trois niveaux avec rez-de-chaussée, premier étage, puis combles habités, un peu plus bas que deux étages, comme dans les fermes labourdines XVIIIe, les chalets urbains XIXe ou les villas balnéaires XXe. C’est finalement la maison de plain-pied qui est anachronique !
Bien entendu, ces maisons devront être dotées de garages en sous-sol, d’un jardinet, et exposées au soleil (pour la réglementation thermique).
Pour quel usage ? Autrefois on vivait à 10 dans « l’etxe », la ferme traditionnelle avec bétail au RDC, famille élargie à l’étage, récolte au grenier. Ensuite le pavillon des Trente glorieuses a consacré l’habitat de la famille à 4 (papa + maman + 2 enfants + 2 voitures dans 99 m2), mais aujourd’hui le divorce ou les nouveaux modes de vie font exploser le modèle. Notre nouvelle bastide doit donc regrouper des maisons d’un nouveau genre.
En partant d’une surface au sol de 50 m2 par niveau, et en jouant sur des escaliers intérieurs et/ou extérieurs, et des réservations de réseaux, notre maison de 3 x 50 m2 doit pouvoir être habitée sur un, deux ou trois niveaux. Le jeune qui démarre loue un comble, il se marie en achetant le RC + jardin du voisin, les grands-parents financent l’achat du 1er, qui sera utilisé par leurs petits-enfants, puis sera le point de chute des aînés une fois les oisillons partis du nid, etc etc.
Les possibilités sont infinies dans cette nouvelle etxe pensée pour être flexible, car comme certains me l’ont fait remarquer, les maisons traditionnelles sont indivisibles (techniquement comme financièrement) et peuvent simplement être bradées à des promoteurs. Et dans ces nouvelles bastides, la mixité sociale doit être partout, pas seulement avec un immeuble pour riches et un escalier social à côté, et le règlement de copro réguler les locations.
Au coeur de la nouvelle bastide, les futurs habitants, comme les promoteurs, architectes, associations ou élus, doivent pouvoir proposer des usages innovants.
Finis les vents de discorde, que souffle la brise de la bastide !