Publié dans LSPB le 19/07/2024

Série de l’été, proposons des idées à nos amis politiciens, qui ne semblent pas en avoir d’autre que celle de rester, revenir ou accéder au pouvoir.

Mais pourquoi donc titrer sur le « salmon avocado toast », la tartine saumon-avocat, référence des casse-croûtes bourgeois-bohème ?

L’avocat est un fruit à la mode, et une des productions agricoles les plus rentables au monde. Mais qui dit argent et marché mondialisé, dit aussi cartels de la drogue, violence et blanchiment. On parle ainsi, en Amérique latine, du « aguacate de sangre », le commerce de l’avocat pris en main par les narcotrafiquants, pouvant tuer pour accaparer des terres, asséchant sans vergogne les nappes phréatiques, pour gagner encore plus d’argent.

C’est un des mauvais côtés de la mondialisation, le débordement du capitalisme industriel classique par des trafiquants à la brutalité et l’avidité infinies. Avec les consommateurs comme complices !

Mais passons à notre candide saumon, enfant des torrents et héros de nos mers froides. Élevé de façon concentrationnaire dans des cages plongées dans des fjords, notre ancien poisson de luxe est désormais abordable car produit en masse.

Avec cependant un petit défaut : l’animal d’élevage reste un incorrigible carnivore, et il croquera 10 kg de poisson banal pour produire 1 kg de chair rosée. Pour d’étranges conséquences : vu à la télé l’autre jour, un documentaire sur le saumon nous a en effet conduits sur les plages … sénégalaises.

De tous temps, les hommes y partaient à la pêche sur des pirogues aux airs de trainières. Revenus à terre, ils confiaient leurs prises à d’industrieuses sœurs et épouses, qui une fois vidé faisaient sécher le fretin au soleil, pour l’exporter vers Mali ou Burkina. Une économie locale vertueuse désormais menacée … par le saumon.

Des industriels chinois ont en effet installé sur cette pointe africaine des bateaux de pêche « minotière », qui raclent le fond de l’océan pour fabriquer des farines de poisson destinées à nourrir nos gloutons salmonidés.

Désormais nos pêcheurs sénégalais reviennent bredouilles, le commerce s’effondre, et certains n’ont d’autre issue … que l’émigration, sur ces pirogues désœuvrées devenant les fragiles « cayucos » débarquant aux îles Canaries. Envoyés vers la péninsule, on peut ensuite les voir passer par Irún ou Bayonne, attirés par les mirages de l’Europe du Nord. Peut-être pour y travailler dans un élevage de saumons.

Nous voici donc, partis d’une simple tartine, au cœur de certaines problématiques politiques du moment : insécurité et immigration, posés sur une assiette, là, devant nous.

Une illusion bien française, partagée par chacun des trois « blocs », reviendrait alors à proposer une loi ou mesure miraculeuse, facile à ânonner toute la journée, mais bien entendu inopérante face à tant de complexité. Pour reprendre la phrase d’un professeur de droit, on ne peut pas faire une loi qui interdise la pluie, il faut construire des abris-bus !

Alors que faire ? Je suggère trois niveaux d’action, sans recourir à une inflation législative.

En premier lieu il y a la responsabilité individuelle de chacun. Savoir qu’acheter de la mode jetable, c’est peut être participer à l’oppression des Ouïgours, ou se faire livrer un repas, soutenir l’emploi de clandestins. Ou que consommer de la drogue, c’est financer le crime, la misère et l’insécurité.

Ensuite, on peut compter sur le travail des entrepreneurs, vraie force réformiste. Désormais, on plante des avocatiers en Europe du Sud, et pour alimenter les saumons, de jeunes entreprises françaises élèvent des scarabées et autres vers de farine, pour nourrir les poisons d’élevage sans recourir à la surpêche.

Et enfin, il y a l’action des États : non pas pour un rafistolage législatif, mais pour une vraie prise en main des problèmes.

Partout à travers le monde, c’est le trafic de drogues qui propage l’insécurité, des collines colombiennes aux pieds d’immeubles occidentaux, et menace jusqu’à la stabilité de certains pays.

Il y aurait donc intérêt, au niveau de notre pays ou de l’UE, à organiser un « Grenelle des drogues », pour remettre sur la table chacune des politiques publiques. Un premier pas pour déboulonner les mafias et protéger les populations.

Et quant à l’immigration, priorité au développement dans les pays source : 1er pays francophone au monde, la République démocratique du Congo, ancien Zaïre ou Congo belge, 100 millions d’habitants aujourd’hui, 400 millions bientôt peut-être, avec Paris comme phare intellectuel, artistique ou linguistique …

En imaginant que 1% de cette population soit contrainte de migrer, qui peut prétendre qu’il les arrêtera à la frontière (en doublant la PAF à Hendaye ?), ou que nous pourrions tous les accueillir avec dignité (en réquisitionnant les résidences secondaires ?).

Reste une issue, aider nos amis congolais à se développer, en particulier en valorisant leur potentiel agricole, qui permettrait de nourrir … 1 milliard d’humains ! Voilà donc, loin des ostracismes sans lendemain, une vraie piste d’avenir.

Observer le réel, réfléchir un brin et tenter d’innover, la vraie voie pour un renouveau politique ! Loin des tambouilles partisanes …