Publié dans LSPB le 23/08/2024
On connaît bien les avantages de la plate-forme américaine, qui avec ses collègues Abritel ou autres, ont modernisé le principe de la location saisonnière, pourtant vieux comme les congés payés.
Pour le propriétaire, la souplesse d’un complément de revenus, et pour le vacancier, un accès aisé à de nouveaux lieux, suivant les cas moins chers, plus centraux, ou mieux adaptés à des familles entières. Avec le corollaire, pour certains, d’exercer un quasi-commerce para-hôtelier, qui concurrence les vrais hôtels et phagocyte le logement dans certains quartiers.
Or Airbnb présente un autre avantage insoupçonné, celui de fabriquer des boucs émissaires à bon compte.
Si vous êtes un politicien en quête de notoriété, si vous n’avez d’autre fond politique que l’idée d’être réélu, profitez de la fin d’un discours pour prendre l’air grave, froncer les sourcils, ralentir votre phrasé et lâcher la meute « contre les locations Airbnb ».
Du fond de l’assistance, un concert de fifres inconnus louera alors vos louanges, des yeux humides viendront à admirer votre port altier, vous serez auréolé d’une gloire infinie, par une assemblée aux mains rougies par de frénétiques applaudissements, vous qui comme l’archange terrassant le dragon, avez su mater le mal absolu, « la location Airbnb ».
C’est vieux comme la politique, quand on manque de solutions, on désigne des boucs émissaires. Les boiteux, les cagots, les pas-d’ici, les trop riches ou trop pauvres, et maintenant les très consensuels « Airbnb ».
Essayons de démêler un peu l’écheveau de ce phénomène mondial, en analysant les statistiques, que Airbnb rend disponibles pour que les bailleurs optimisent leurs locations.
Sur le territoire Pays basque, on trouve bien ~ 12 000 locations (disons 15 000 avec les autres plateformes), mais dont 1/4 ne trouve jamais preneur (au moins officiellement), 1/4 loue moins de 30 nuits, un 1/4 moins de 90 nuits, et effectivement un dernier quart générera au moins 12 000 € de loyers par an, en concurrence avec l’habitat permanent.
Ce chiffre est exacerbé dans les villes touristiques avec animation toute l’année, posant de vrais problèmes dans Biarritz (comme à Paris, Amsterdam ou Donostia, mais bien moins à Arcangues). Donc on peut se dire que la mesure de « compensation » de l’agglo est pertinente à Biarritz, mais inopérante ailleurs, puisqu’elle y vise des biens qui rapportent quelques centaines d’euros par an, bien moins qu’une location à l’année.
Écartons d’ailleurs le haro sur les multi-propriétaires, les loueurs les plus actifs étant … des sociétés de conciergerie. 2/3 des loueurs « pros » ne possèdent qu’un seul bien ! Souvent un placement pour la retraite …
Penchons-nous ensuite sur la fiscalité, et la fameuse « niche des 71% d’abattement (déduction forfaitaire de charges avant impôt) » qui fait tant parler. Certes elle a pu attirer des investisseurs amateurs, mais le premier fiscaliste vous expliquera que cette option empêche de déduire les travaux (gare au ravalement !), et que le régime le plus avantageux est toujours la déduction des frais réels. Surtout qu’avec des prestations quasi-hôtelières, vous pouvez déduire des heures de ménage, des taies d’oreiller, des déplacements, et arriver à 100% de déductions, incontrôlables par l’administration ! La « niche des 71% » reste la garantie qu’un bout d’impôt sera payé, et elle permet de financer des équipements lourds comme les stations de ski et autres Center parks.
Bref s’il suffisait d’agiter les bras pour obtenir de la justice fiscale, on n’aurait pas besoin de ventilateurs.
En résumé le phénomène Airbnb n’aura retiré du marché local « que » 1000 ou 2000 biens, c’est à dire une année de besoin de logement de nos 3000 nouveaux habitants annuels, avec une surpression sur les cités festives comme Biarritz, seul lieu d’ailleurs où les taux de remplissage autorisent des activités para-commerciales. Quant à la fiscalité, le généreux abattement n’offre qu’un avantage de façade, et correspond plus à une simplification comptable, fort commode par ailleurs pour les petits bailleurs de leur propre résidence principale.
Donc les locations de courte durée créent certes un trouble sur le marché de l’habitat, mais beaucoup moins fort et plus localisé que ce que l’on raconte. Et avec un bonus fiscal non déterminant.
Donc, si s’attaquer à Airbnb peut rendre populaire, cela ne va pas résoudre le problème du logement sur le littoral.
Alors, quelles pistes pour loger tout le monde ?
Déjà il faut construire, plus et mieux, mais s’il vous plaît, ne créons pas de nouveau bouc émissaire avec les propriétaires fonciers, l’administration étant assez grande, avec ses normes et procédures, pour rendre la construction plus compliquée et coûteuse. Ni de nouvelle niche de type « Périssol », « Scellier », ou « Pinel », dont l’effet d’aubaine est limité dans le temps.
Le mieux serait d’encourager les propriétaires de logements déjà construits à les louer à l’année.
Les encourager avec des carottes, pas à coups de bâtons !
Car n’en déplaise aux idéologues, une mesure comme le plafonnement des loyers, que notre agglomération est en train de mettre en œuvre, est parmi les plus contre-productives possibles, les exemples de Paris et Bordeaux le prouvent.
Quelles mesures ? A suivre …